XLV
Le lendemain alors que je sortais pour tendre une peau de castor fraîche sur une branche de noisetier, un cheval seul approcha, dans le brouillard. Il fut d'abord un peu craintif puis tout à fait confiant. Je le reconnus, c'était celui de Sophia, un appaloosa très fin. Il avait dû sentir l'odeur de sa maîtresse et avait retrouvé sa trace jusque là.
Je puisais dans ma poche quelques noix sèches qu'il croqua goulûment. Il fut aisé de le saisir par la bride.
Amogh qui se réveillait tout juste s'exclama tout joyeux :
_ Oh la belle prise ! C'est le cheval de Sophia. En voilà un qui est bienvenu. Tu vois que le monde est beau Absalom.
Nous sommes restés là jusqu'au printemps, puis nous sommes redescendus de la montagne. Sur un plat herbeux nous avons aperçu quelques chevaux sauvages.
Nous les avons suivis de loin pendant quelques jours, jusqu'à ce que la chance nous sourit. La harde s'était déplacée jusqu'à l'entrée d'un goulet qui conduisait directement à une reculée. Le fond de cette vallée étroite et taillée dans la roche s'achevait en cul de sac. Il nous fut aisé de pousser les chevaux dans ce creux et de les y maintenir le temps d'obstruer le passage avec des pierres et des branchages. Nous avons choisi trois chevaux robustes et peu nerveux. Nous avons libéré les autres. A l'évidence ces montures se souvenaient des hommes. Elles retrouvèrent vite leurs habitudes choyées. Ainsi équipés, dans le vent caressant venu de l'ouest nous avons dévalé les pentes.
Le lendemain une branche d'arbre portait des fleurs blanches.
Le monde était voluptueux, nous pouvions toujours en jouir, plus que jamais. Sans mémoire, nous n'avions plus de regret et pas de remords.
FIN de la saison 1