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Je n’ai plus de journaux ni de livre à brûler depuis longtemps. J’ai consumé une énorme réserve de charbon puisée dans le sous-sol, et j’ai entamé une montagne de planches dans l’atelier de menuiserie adossé à ma librairie.
Je ne me résous pas à abattre le chêne qui borde la place centrale. J’aurais pourtant du combustible pour plus d’un an. Mais non, il est mon compagnon unique, mon grand frère. Il dort de son sommeil de bois depuis qu’il neige. Lui aussi est baigné d’éternité. Il est patient. Parfois je vais poser mon oreille sur son écorce. Je lève la tête, sa ramure est colossale, elle répète sur le fond du ciel blanc sa savante construction crochue et noueuse jusqu’à n’être plus que brindilles très haut dans le ciel. La neige n’a pas de prise sur cette fine architecture qui se balance au vent. La neige a seulement réussi à se lover en écharpe dans l’embranchement des trois branches maîtresses, puis elle lâche prise en prenant de l’altitude.
Je ne puis tirer cet arbre de son épais sommeil, mais je sais intimement, qu’il est vivant, qu’il respire au rythme d’une pulsation tous les deux ans, peut-être un peu plus. Je ne manque jamais de le saluer tous les jours quand je m’étire devant la fenêtre blafarde.
Hier, ou voici deux mois, un an peut-être, je ne sais plus, j’ai confectionné
vingt et un bonshommes de neige que j’ai alignés à la parade sur la place. Je me suis amusé à passer cette troupe en revue. J’étais le général de la froide soldatesque. Une nuit un blizzard a
tout jeté à bas, seul survivant, je me suis replié dans mon bunker, mon nid d’aigle.
(La suite demain)