Fiction policière tirée des mémoires de Balthazar « La vie sans grand
intérêt d’un petit journaliste alcoolique » (éditions Sapristi) publiée en feuilleton, ici même, et gratuitement. Illustrations : encre et crayons de couleurs. Tout est faux, sauf –
parfois - les noms de lieux et quelques anecdotes.
EPISODE 1
Karantec Plouendec, dentiste installé rue de la Trémoille avait cloué au plafond de son cabinet un immense « Gwenn ha du »
(drapeau breton). Balthazar ne voyait que cela, la tête renversée, les mains crispées sur les accoudoirs du siège, tendu comme un malade du tétanos en phase terminale. Karantec avait la
réputation d’avoir la main douce, mais chacun sait que les réputations sont comme les promesses d’un député : volatiles. D’ailleurs Karantec avait fait de la politique, il lui était arrivé d’être
conseiller municipal. Et comme il n’était pas doux, il siégea, bien sûr, dans l’opposition. Balthazar avait un mal de chien et se disait que cet été il n’irait pas en vacances dans le
Finistère. Il ne connaissait pas cette rieuse province mais il en avait déjà un mauvais souvenir.
_ Voilââââ c’est fini, elle est venue cette molaire. Un conseil quand-même, lave-toi les dents de temps en temps, et
freine sur le chenin mon cher Balthazar. C’est une boisson acide qui, à haute dose, déchausse la dentition. Je sais bien que dans ton boulot ce n’est pas facile. Personne ne se confie
autour d’un verre de lait. Même à Bressuire.
Karantec pompait le sang avec une canule qui produisait un bruit de succion fort déplaisant. Balthazar apaisait son souffle et
amollissait ses muscles. Voilà 15 ans qu’il travaillait dans cette bonne ville de Thouars, avec une carte de presse cornée en poche et un foie qui avait entamé sa prodigieuse croissance bien
avant son arrivée ici.
_ His-Honc mon bon breton, ânonna-t-il. Hi est ta patiente hi poireaute dans ta salle h’attente ?
(placer trois fois un mot qui exprime la durée dans une phrase aussi courte n’est pas chose aisée quand on a la bouche en sang)
_ La grosse ? C’est Josiane Birdat. Une commerçante en papier peint de la rue Saint-Médard. Pourquoi ?
_ Je l’ai entenhu raconter à sa voisine une bien curieuse histoire. Je te raconterai plus tard, je file, on s’voit ce
soir aux « Arts » pour un tric-trac comme d’hab.