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21 janvier 2013 1 21 /01 /janvier /2013 05:55

Un jour, enfin c'était un soir. Moi, journaliste fatigué et imbibé j'avais envie d'aller me coucher. Mais j'avais donné ma parole à l'association de Thouars, "Blues & C°" d'aller écouter son invité, un obscur amerloc au nom brutal : Ron Hacker. Pfff! Je me suis enfilé deux Duhomard d'affilée (l'apéro de Thouars, car Thouars n'a pas de drapeau, mais il a un apéro), puis un troisième pour faire bonne mesure. J'ai pris mon auto, cap vers les quartiers nord, ceux des immenses entrepôts déserts et des entrelacs de rail. Le "village noir" que ça s'appelle. Pas faux mon frère. J'ai tourné un moment avant de repérer une lueur à travers une fenêtre crasseuse. La voiture a calé. Les bouteilles vides, bousculées par l'a coup ont teinté dans mes pieds. C'était là.

Dans la salle trois pelés, un tondu et mon haleine chargée. Dans un coin un type avec un regard à t'écorcher vif. C'était Ron Hacker, coincé entre un radiateur et un extincteur. Il a pris sa vieille guitare toute rayée. Elle n'avait de son vernis initial que quelques bavures sur les flancs. Et du scotch sur la caisse. J'm'suis dit " oh mille barriques enfumées! Sapristi ! qu'est-ce que je suis venu faire ici ?". J'ai filé vers le bar, il n'y avait pas d'alcool. " Un jus de pomme ? " m'a demandé Eric avec un sourire à se foutre de ma gueule (enfin je crois), je lui ai lancé un regard à l'écorcher vif, quand soudain, l'autre, le Ron là, a commencé à jouer. J'ai frissonné, je jure que c'est vrai. Son blues est rentré tout vif, tout grésillant, tout palpitant dans ma carcasse.

Comme ils avaient éteint la lumière du plafond gris, et qu'il pleuvait  dehors, j'ai fait semblant d'essuyer mes lunettes, mais... en vrai... Je pleurais.

( Bon c'est un peu romancé, mais en gros c'est vrai)

 

 


 

Ron vient de sortir sa bio, un bouquin traduit par les boys de "Blues & C°", édité par les boys de "Blues & C°", vendu par les boys de "Blues & C°". Autant dire que ce n'est pas parti pour un être un best-seller. Pour l'avoir tentez de cliquer là

 link

ou copier/coller : http://www.blues-n-co.org/?cat=6


Moi, j'voulais pas l'lire. Moi les écrivains étrangers, j'aime pas trop. Et puis après un 3e Duhomard comme je m'affaissais dans mon fauteuil ma main heurta le bouquin qui traînait par terre. J'ai ouvert, j'ai commencé à lire et, ô mes frères, j'ai frissonné ( et la cuve à fuel vide n'y était pour rien la garce).

La vie de Ron n'est que plaies, bosses, cahots, flamboiements, fuites, déchirures, balafres. Perdu ( il dit de sa mère " les graines de tristesse et de colère qu'elle avait plantées en moi avaient pris racine et dans quelques années ces plantes allaient être en floraison"),  il se frotte à la violence quotidienne dans sa ville d'Indianapolis ( "une ville dure, et ça n'allait pas être facile d'éviter la prison. On ne savait jamais ce qui allait sortir de la pénombre pour vous mordre le cul"),conducteur de char (  parce qu'il aime la soudure et qu'un char "c'est le plus gros morceau de fer - à souder- que possède l'armée"), le voilà maquereau, trafiquant, taulard... Il croise le blues à la toute fin du bouquin quand, derrière une porte il entend deux types jouer, alors il ne veut plus qu'une chose " entrer me mettre à genoux et remercier ces deux blacks de m'avoir initié".

Le livre s'appelle "White Trask Bluesman" ( blanc racaille et bluesman). C'est pas du Proust, mais c'est quand même de la littérature, parole d'homme.

Balthazar Forcalquier


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commentaires

J
moi aussi , je l'ai écouté , et je ne sais pas l'exprimer aussi bien que BALTHAZAR mais ça vaut le coup , ce mec vous tire les larmes !!<br /> Le seul constat c'est que les larmes issues de la conso de produits écossais ; ça brule plus que le DUHOMARD ex produit thouarsais maintenant produit en bocage !
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